mardi 7 avril 2009

Le Constructivisme (génétique) : une définition.

Le programe du Constructivisme Génétique puise sa source dans la Psychologie du même nom, développée par Jean Piaget (1896-1980). Piaget part de l'étude du développement cognitif de l'enfant, pour aboutir à une théorie du processus de construction des connaissances. Il s'intéresse à l'analyse des différents niveaux de la logique des classes et des relations chez l'enfant (i.e. genèse des structures logiques fondamentales : inclusion et multiplication des classes, composition des relations, structures d'ordre, etc. ; élaboration des catégories de pensée : nombre, espace, temps, etc.). Il étudie la mise en place logique des opérations intellectuelles, attendant de la psychogenèse qu'elle lui fournisse, expérimentalement, une embryologie de la raison.

De ses travaux empiriques, il déduit une conception de la connaissance basée sur l'interaction sujet/objet (l'enfant/le monde), et cherche à expliciter au travers de l'ontogenèse des conduites, les formes successives de leur élaboration : « on ne connaît un objet qu’en agissant sur lui et en le transformant » (Piaget, 1970). Se donnant ainsi une théorie scientifique de l'instrument même de connaissance, Piaget (1967) développe un constructivisme dont il trouve les prémisses chez des penseurs tels que Hegel, Poincaré ou encore Brouwer, l'élaborant au cours de ses échanges avec le mathématicien Jean Dieudonné. Cette recherche lui permet de montrer incidemment les limites, les excès et les discordances entre les fondements d'une Science Positive et les pratiques disciplinaires par lesquelles elle s'exerce.

Pour le Positivisme, qu’il soit comtien ou du cercle de Vienne, le raisonnement analytique est in fine seul propre à la démarche scientifique. Piaget se porte en faux face à cette assertion. Il tente de dépasser, par son pragmatisme logique, un tel cadre limitatif en revalorisant le raisonnement dialectique (inscrit dans le moment de la synthèse). Il propose de substituer une démarche processuelle, au sein de laquelle l'interaction du sujet connaissant et de l'objet observé est privilégiée (détachement des fondements, focalisation sur le processus : la relation). La connaissance se pose alors beaucoup plus comme un processus, ou au sens de Simon (1991), une reconstruction continue, que comme la découverte de savoirs stables et immuables.

L’auteur ne cherche pas ainsi à opposer deux modes de raisonnement mais plutôt à désigner deux aspects distincts - mais indissociables - de la construction des connaissances, avec l'action pour source, le relativisme génétique comme posture et, surtout, la dialectique de l'assimilation et de l'accommodation comme processus d'équilibration assurant à la fois le progrès et la stabilité des connaissances.

Mais même si Piaget a bien conscience d'un aspect discontinu de la formation des stades génétiques, ainsi que de l'évolution des connaissances par phases successives d'équilibration, il reste tributaire d'une approche linéaire affirmant que le développement est une construction linéaire hiérarchique, intangible, majorante et épurée.

La théorie génétique trouve un ancrage profond dans le développement biologique, mais en faisant une analogie entre les structures mères de l’algèbre des nombres entiers (domaine régit par le tiers exclu) et les structures mentales de la pensée - proposant ainsi une comparaison possible entre la filiation mathématique des structures mères et la filiation génétique des structures mentales -, l’épistémologie génétique "réduit" son objet d’étude au développement d'une connaissance orientée, c.-à-d. à prétention d’objectivité marquée par le primat de l'assimilation. Une connaissance qui, même si l'objectivité y-est entendue en tant qu'intersubjectivité, reste dans sa source profonde, en les termes de Morin (1990), "câblée à l’univers" : reliée à un paradigme insurmontable.

Au final, le sujet piagétien est un sujet épistémique, c.-à-d. lié à un temps, un espace et une dynamique (i.e. une époque, un lieu et une histoire), il est inscrit dans l'action, mais sa dimension sociologique étant reléguée en une seconde période, son modèle reste universel et omnipotent. Enfin, les émotions demeurent absentes du discours.


Extrait de Penelaud (2008, pp. 113-114).
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