mercredi 16 septembre 2009

Alan Turing ou la difficile réhabilitation de la mémoire d'un pionnier de l'informatique

"Nous soussignés demandons au premier ministre de s'excuser pour les poursuites engagées contre Alan Turing qui ont abouti à sa mort prématurée." Cette courte pétition, qui a récolté plus de dix mille signatures, a été soumise au premier ministre britannique. Au Royaume-Uni, tout citoyen peut lancer une pétition qui, si elle rassemble cinq cents signatures en un an, contraint le gouvernement à y apporter une réponse écrite et détaillée.

Alan Turing, né en 1912, est l'un des plus grands mathématiciens britanniques. Pionnier de l'informatique, il est notamment connu pour avoir contribué à décrypter les communications codées utilisées par l'armée allemande durant la seconde guerre mondiale, ainsi que pour ses travaux sur les premiers ordinateurs et sur l'intelligence artificielle. Mais après-guerre, le brillant scientifique perd tout, ou presque : la révélation de son homosexualité – qui constituait à l'époque un délit en Grande-Bretagne – ruine sa carrière. Il est condamné en 1952 à la castration chimique et est banni du complexe militaire où il travaillait. Il continue à travailler sur des modèles mathématiques, mais deux ans plus tard, il se suicide en mangeant une pomme empoisonnée.

Réhabilitation Posthume

Depuis, le scientifique a été réhabilité. Depuis 1966 – un an avant la légalisation totale de l'homosexualité au Royaume-Uni – un "prix Turing", souvent appelé "Nobel de l'informatique", est attribué par l'Association for Computing Machinery. Une statue du mathématicien a été érigée en 2001 à Manchester. Mais pour John Graham-Cumming, l'informaticien britannique qui a lancé la pétition, c'est insuffisant. "Le sort qui a été réservé à Alan Turing est affligeant. Nous avons perdu un grand homme, mort à 41 ans alors qu'il avait probablement beaucoup de grandes choses à accomplir (...). S'il n'était pas mort si jeune, il aurait probablement été fait chevalier", écrit-il sur son blog.

La pétition, qui avait commencé modestement, a reçu le soutien de plusieurs scientifiques, dont le généticien Richard Dawkins, mais aussi de l'auteur Ian McEwan et de plusieurs militants des droits des homosexuels. Pourtant, même John Graham-Cumming est peu optimiste sur les chances d'obtenir des excuses officielles. Il espère que cette campagne permettra au moins de mieux faire connaître l'œuvre de Turing, et d'attirer l'attention des britanniques sur la situation de Bletchley Park, l'ancien complexe secret où travaillait le mathématicien durant la guerre, devenu un musée de l'informatique et aujourd'hui en grande difficulté financière.

L'Héritage De Bletchley Park

Au cœur de la guerre, plus de neuf mille personnes travaillaient à Bletchley Park, dans le plus grand secret. C'est là que les codes secrets utilisés par les marines de guerre allemandes et japonaises furent décryptés, dont le célèbre code "Enigma", que la marine allemande pensait inviolable, contribuant largement à la victoire des alliés. Après-guerre, le site est reconverti en centre de formation : jusqu'en 1970, les anciens employés ne sont même pas autorisés à parler de leurs anciennes fonctions. En 1991, alors que le site menace d'être détruit pour laisser place à des habitations, une association d'anciens employés et de passionnés se monte pour tenter de sauver ce qui peut l'être et d'y créer un musée de l'informatique, qui ouvrira ses portes trois ans plus tard.

Depuis, l'association fonctionne avec très peu de moyens ; English Heritage, l'équivalent britannique des monuments historiques français, a accordé ces dernières années deux subventions exceptionnelles d'un million de livres au total pour des travaux urgents de réparation. Mais l'association estime qu'il lui faudrait 250 000 livres par an pendant trois à cinq ans pour atteindre l'autosuffisance économique et assurer la pérennité du site. Une autre pétition au premier ministre lancée en ce sens avait rassemblé vingt et un mille signatures l'an dernier mais le gouvernement, tout en reconnaissant l'importance historique de Bletchley Park, avait estimé qu'il n'avait pas les moyens de le soutenir davantage.

Damien Leloup

Article paru dans l'édition du journal Le Monde du 31.08.09.
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mardi 15 septembre 2009

Gordon Brown présente des excuses posthumes au mathématicien Alan Turing

Dans une tribune au Daily Telegraph, le premier ministre britannique Gordon Brown a présenté ses excuses, au nom du gouvernement britannique, pour le traitement "déplorable" réservé au mathématicien Alan Turing dans les années 1950. Turing, l'un des plus brillants scientifiques de l'époque, avait largement contribué au décryptage des codes secrets utilisés par l'armée allemande durant la seconde guerre mondiale. Mais après guerre, la révélation de son homosexualité – qui constituait un délit à l'époque – avait ruiné sa carrière ; après une condamnation en justice pour "indécence", il s'était vu refuser toute participation aux grands projets scientifiques de l'époque. Alan Turing s'est suicidé en 1954, en partie, estiment ses défenseurs, parce qu'il avait été condamné à la castration chimique.

"Bien que Turing ait été traité selon la loi de l'époque et que nous ne puissions pas remonter le temps, ce qu'on lui a fait était bien entendu totalement injuste", écrit Gordon Brown. "Il n'est pas exagéré de dire que, sans sa contribution hors du commun, l'histoire de la seconde guerre mondiale aurait pu être très différente", poursuit-il. Depuis plusieurs mois, une pétition au premier ministre demandait des excuses du gouvernement. Elle a été signée par plus de 30 000 personnes et soutenue par plusieurs personnalités du monde de la culture, des sciences et des militants des droits des homosexuels.

Peter Tatchell, militant du groupe Outrage!, qui lutte contre les discriminations faites aux homosexuels, a salué le geste de Gordon Brown, mais estimé qu'il ne s'agissait que d'un premier pas. "Traiter Turing comme un cas particulier, simplement parce qu'il est célèbre, est injuste", estime-t-il. Environ 100 000 Britanniques ont été condamnés à la castration chimique, estime son association, jusqu'au vote du Sexual Offences Act, en 1967, qui légalisait les rapports sexuels entre hommes. L'homosexualité féminine n'était, quant à elle, pas punie par la loi.

Dépêche AFP paru dans l'édition du journal Le Monde du 14.09.09.
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vendredi 4 septembre 2009

Questions ouvertes à Michel Bitbol

J’ai eu le plaisir d’interviewer en séance publique le physicien et philosophe M. Bitbol, sur l’apport des interprétations de la Mécanique Quantique à l'étude de la cognition, lors de l’école d’été Énaction et Sciences Cognitives (Cap-Hornu, 20-26 juillet 2009).

Suite à une présentation succincte des fondements de la Mécanique Quantique, visant l’accessibilité des concepts principaux au plus grand nombre, nous avons abordé sous forme d’un dialogue les dimensions épistémologiques et gnoséologiques des théories quantiques de l’information.

Ce dialogue, centré autour des notions de corrélation, d'information et de boucle, avait pour but d’expliquer comment celles-ci s'inscrivent dans un programme d'étude de la cognition, notamment celui de l'énaction, en apportant des éléments de réponse quant à la modélisation de processus émergents, inaccessibles dans le cadre causaliste standard.

Au cours de celui-ci nous aurons abordé :

1. Les notions fondamentales de Mécanique Quantique ;
2. L’enjeu épistémologique de la Mécanique Quantique ;
3. Information (corrélation) et cognition.


Diaporama de l'intervention au format pdf.

Références utilisées :

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