vendredi 11 décembre 2009

« Le Contexte » : Rencontres interdisciplinaires sur les systèmes complexes naturels et artificiels

Rochebrune, 17 au 24 janvier 2010

Soutenu par :
le Réseau National des Systèmes Complexes
Sous l'égide de :
la Conférence Européenne de Vie Artificielle (ECAL)
Appel à Participation

Qu’est-ce que Rochebrune ?

Ce n’est pas par hasard que Rochebrune est essentiellement un lieu. Hors de toutes contraintes institutionnelles, Rochebrune est le lieu du doute et du questionnement de nos pratiques scientifiques en prise avec les systèmes complexes du physique au social, naturels ou artificiels. C’est, de ce fait, un lieu privilégié du dialogue interdisciplinaire qui permet à chacun d’ouvrir ses perspectives en interaction soutenue avec les autres. Ceci ne peut se faire que dans un lieu physique approprié et depuis 1992, il s’agit d’un chalet isolé et chaleureux qui nous accueille au sommet des pistes de Megève créant ainsi le vase clos indispensable à l’alchimie du dialogue.

Le thème

On s’entend généralement à dire qu’un système est complexe si on ne peut pas retirer un composant du système sans que le système change de nature, ou encore qu’un système complexe est plus que la somme de ses parties. Mais que faut-il dire de son contexte ? Peut-on comprendre un système indépendamment de l’environnement dans lequel il est plongé ? Et comment, en fonction de quelles questions et de quels critères, placer la frontière entre intérieur et extérieur du système. Même si la notion de système suppose de l’isoler de son contexte, ce dernier est très vite oublié sauf à travers des « conditions au bord » d’où l’intérêt à le remettre au centre de nos réflexions.

Dans la pure tradition des journées de Rochebrune, cette question transcende les disciplines et il convient donc d’explorer ce que chacune d’entre elles a à en dire afin de construire collectivement une compréhension ou, a minima, une intuition partagée de cette problématique. Traçons quelques déclinaisons possibles :
  • En linguistique, comment rendre compte de la nature dynamique et contextuelle de la construction du sens ? Le contexte est ce qui va avec le texte, ce qui va permettre de construire le parcours interprétatif du texte au sein de pratiques sociales (contraintes spécifiques des genres). Quelle détermination un texte reçoit-il du corpus au sein duquel il est inséré ? La construction du sens qui intervient dans l’actualisation en contexte, celui de la réception par le sujet interprétant, prend alors un caractère foncièrement dynamique. Faut-il embrasser toute la cognition, voire la praxis, humaine ?
  • En recherche-action (c’est-à-dire une recherche couplée à une demande sociétale) se pose la question de l’efficacité de la démarche, la science change-t-elle le cours des choses (ou peut-elle ne pas le faire) ? Que la réponse soit négative ou positive, quel est le rôle du contexte et le rôle du chercheur ?
  • En géographie, peut-on comprendre les objets qui sont les siens hors des relations qu’ils entretiennent avec leur contexte ? De la télédétection aux objets spatialisés, inscrits dans des topologies ou des réseaux, quel est le rôle du contexte pour leur compréhension dans leur structure et leur devenir ?
  • En urbanisme et aménagement du territoire, le contexte est une donnée très importante, pratiquement incontournable dans tout projet d'aménagement : et il est question là tant du contexte technique et institutionnel que du contexte politique et sociétal. Comment comprendre un projet de quartier, ou une émeute urbaine sans le contexte ? Comment interpréter les décisions prises sans les contextualiser, notamment par rapport au calendrier électoral territorial ?
  • La physique a mis des millénaires pour élaborer ses outils mathématiques supposant, le plus souvent, son objet comme fermé. Mais comment traite-elle des systèmes ouverts ?
  • La sociologie et l'économie voit l’éternel débat entre l’individualisme méthodologique supposant l’individu comme premier et le holisme méthodologique instituant le collectif comme premier. Mais l’individu est-il compréhensible hors de son contexte ou en est-il que le producteur ?
  • En informatique et en intelligence artificielle, la question du contexte est également traité que ce soit en sémantique des langages de programmation, en représentation des connaissances sur les contextes (par exemple, dans les logiques modales) et sur les changements de contexte.
  • La psychologie ou la question de la rationalité et du contexte.

Certainement d’autres champs se posent-ils ces mêmes questions. Ainsi Wikipédia cite-t-il encore l’archéologie, les études bibliques, l’art, la publicité, l’intelligence économique et bien d’autres. Nous n’avions pas l’intention d’être exhaustif, d’ailleurs le contexte de cette question est-il dénombrable ?

Inscription

La feuille d'inscription ainsi que le programme est sur le site de Rochebrune :
http://s4.csregistry.org/tiki-index.php?page=rochebrune ATTENTION: le nombre de places est limitée à 40, elles seront octroyées en priorité à ceux qui ont un papier et aux lauréats de la bourse RNSC puis dans l'ordre d'arrivée des inscriptions.

Bourse pour doctorant
Grâce à l'appui financier du RNSC, nous proposons 5 places à des doctorants à 100 euros au lieu de 450 euros. Une lettre de motivation mentionnant, le nom, le laboratoire d'affiliation, le titre de la thèse et un court justificatif devra être envoyé à:
jean-pierre.muller@cirad.fr au plus tard le 21 décembre 2009. Priorité sera donnée à un doctorant qui ne présente pas de papier et un seul par labo. Il s'engage à faire un court exposé sur sa thèse à Rochebrune.

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Jean-Pierre Muller
Senior scientist
CIRAD TA C-47/F
Campus International de Baillarguet
34398 Montpellier cedex 5 - France
e-mail: jean-pierre.muller[at]cirad.fr
tel.: +33 (0)4 67 59 38 28
secr.: +33 (0)4 67 59 39 58
fax: +33 (0)4 67 59 38 27
web:
http://cormas.cirad.fr/

Associate researcher to:
LIRMM
161, rue Ada
34392 Montpellier cedex 5 - France
e-mail:
jean-pierre.muller[at]lirmm.fr
tel.: +33 (0)4 67 41 86 07
web:
http://www.lirmm.fr/~muller
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mardi 8 décembre 2009

École thématique CoPe 2010 (Complexité Plurielle)

Valmeinier,
23-31 Janvier 2010


Les réseaux d'interaction sont des objets d'études conceptuels permettant de représenter la complexité des systèmes que l'on rencontre fréquemment dans la nature et les sociétés humaines. Ces systèmes et ces réseaux sont aujourd'hui au cœur des observations et du développement scientifique de nombreuses disciplines aussi variées que la biologie, la physique, la santé, les sciences humaines et sociales.

Cette école thématique a pour objectif de poser le problème de la modélisation dans ces disciplines grâce à ces outils conceptuels, en les confrontant aux besoins des utilisateurs de modèles, issus de ces disciplines variées. Des exposés généraux seront proposés sur les enjeux, les méthodes et les modèles dans différents cas d'applications (neuroscience, géographie, biologie, sociétés, télécommunications et intelligence ambiante). Des ateliers pratiques seront mis en place et conduiront à des mises en œuvre basées sur la bibliothèque GraphStream
(http://graphstream.sourceforge.org).

Une pré-inscription est disponible sur l'onglet « inscription » à l'adresse suivante :
http://www.cope2010.org

À un tarif de 350 euros, tout compris (inscription à l'école, hébergement, repas, forfait ski, assurance, matériel) excepté le transport.

Le nombre de places disponibles étant restreint à 30 personnes, merci de vous pré-inscrire au plus vite.

Pour toute demande de renseignements supplémentaires, vous pouvez envoyer un mail à l'adresse contact[at]cope2010.org.

L'équipe Cope 2 - LITIS et LMAH, Université du Havre
http://www.cope2010.org
mailto:contact@cope2010.org

Comité d'organisation :

  • M.A. Aziz Alaoui
  • Stefan Balev
  • Cyrille Bertelle
  • Nathalie Corson
  • Antoine Dutot
  • Guilhelm Savin
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mardi 24 novembre 2009

The 19th Advanced Course from the Jean Piaget Archives : « Thinking, Rationality, and Development » (call)

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Geneva, from June 30 to July 2, 2010


Call for abstracts

The Archives Jean Piaget organize from June 30 to July 2, 2010 the 19th Advanced Course. The aim of this biannual conference is to group the best specialists of a domain around a topic that has a particular relevance for Jean Piaget’s theory and developmental psychology. One of the most important aspects of Piaget’s theory has probably been his interest in the development of thinking and reasoning. Describing intellectual development as a progression towards a rational and logical way of thinking, he claimed that far from being a cognitive function among others, reasoning is the same as intelligent thinking. This provocative view was the source of a still-continuing debate about the nature and roots of human rationality. Thus, the next Advanced Course will be entitled Thinking, Reasoning, and Development. A series of 12 one-hour lectures given by the most prominent theorists of the field will offer a panorama of the recent advances in these topics.

The Advanced Course is devoted to any scholar, researcher or student interested in cognitive development, thinking, and reasoning who are invited to submit posters related to these topics.

Please visit our website http://www.archivespiaget.ch/ for registration and submission details, or contact: Cecile.Ballaz@unige.ch

Submission deadline for poster April 17, 2010

Invited speakers :

  • R. Byrne (Trinity College Dublin)
    The rational imagination: How people create alternatives to reality
  • J. Evans (University of Plymouth)
    Dual processes theories of thinking and reasoning: Facts and fallacies
  • V. Girottto (University IUAV of Venice)
    Rational inferences about uncertainty in infancy and childhood
  • U. Goswami (University of Cambridge)
    The development of reasoning by analogy
  • P. Klaczynski (University of Northern Colorado)
    Magical thinking through development: The case of stigmatization
  • H. Markovits (Université du Québec à Montréal)
    The development of abstract conditional reasoning
  • D. Moshman (University of Nebraska)
    Epistemic cognition and development
  • I. Noveck (Université de Lyon 2 - CNRS)
    Linguistic-pragmatics: A way to reunify the fragmented field of reasoning
  • W. F. Overton (Temple University)
    A competence-procedural and developmental approach to logical reasoning
  • V. Reyna (Cornell University)
    Risk, rationality, and development: A Fuzzy-Trace theory approach
  • R. Siegler (Carnegie Mellon University)
    Relations between learning and development
  • P. Barrouillet (Université de Genève)
    Dual processes and mental models in the development of conditional reasoning
Archives Jean Piaget
Uni-Mail
40, bd du Pont d'Arve
1205 Genève
Suisse

Contact : Dr. Cécile Ballaz
Chargée de cours en psychologie
Collaboratrice Scientifique de la Fondation des Archives Jean Piaget

FPSE - Université de Genève
40, bd du Pont d'Arve - 1205 GENEVE
Bureau 41 57

Cecile.Ballaz[at]unige.ch
tel: 4122 - 379 91 25

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samedi 21 novembre 2009

Philosophie et Mathématiques : Le probable, l'aléatoire, le statistique

Année 2009-2010
SÉMINAIRE DE PHILOSOPHIE ET MATHÉMATIQUES
Ecole normale supérieure, Paris



Pierre CARTIER, Jean-Baptiste JOINET, Giuseppe LONGO, Jean PETITOT, Bernard TEISSIER

Le séminaire se tient, sauf exception signalée, le lundi à 18h 00,
salle: Amphi Rataud, Bâtiment Rataud, étage -1,
45, rue d'Ulm, Paris

Thème : "Le probable, l'aléatoire, le statistique"

http://www.di.ens.fr/users/longo/philo-math.html

PROGRAMME PRELIMINAIRE

  • 11 janvier 2010 : Pierre Cartier (Mathématiques, CNRS-IHES)
    "Modèles mathématiques du gris (Martingales et moyennisation d'échelle)".
  • 18 janvier : Marc Barbut (CAMS, EHESS)
    "Paul Lévy et Vilfredo Pareto. Lois stables dans les sciences sociales".
  • 25 janvier : Sandro Graffi (Matematica, Univ. Bologna)
    "On the origin of the statistical interpretation of Quantum Mechanics".
  • 1 février : Daniel Bennequin (Mathématiques, Paris VII)
    "Topologies, probabilités et informations".
  • 8 février : Jacques Droulez (LPPA, Collège de France)
    "De la cognition aux interactions moléculaires: une approche probabiliste".
  • 15 février : Jean-Jacques Kupiec (Biologie, Centre Cavalliès, ENS)
    "Ontophylogenèse".
  • 22 février : Alain Desrosières (INSEE)
    "Analyse des données et sciences humaines".
  • 8 mars 2010 : Thierry Paul (Maths-Physique, CNRS-X)
    "Aléa(s) et événement(s)".
  • 15 mars : Catuscia Palamidessi (Informatique, INRIA-X, Paris)
    "Nondeterminism and randomness in concurrency".
  • 22 Mars : Pablo Arrighi (Informatique, IMAG, Univ. Grenoble)
    "Superpositions quantiques, probabilités et causalité".
  • 29 mars : Alain Blum (INED)
    "La science statistique et le pouvoir : l'exemple soviétique".
  • 12 avril : Gilles Dowek (Informatique, INRIA-X)
    "Calculabilité, variables aléatoires et mondes possibles".
  • 26 avril : Thomas Heams (Biologie, AgroParisTech)
    "Expression stochastique des gènes : du bruit à la fonction".
  • 3 mai : David Bessis (Mathématiques, CNRS)
    "Le problème Netflix, 100 000 000 données et 1 000 000 dollars".
  • 10 mai : Annick Lesne (Physique, CNRS-IHES)
    "Entropie de Shannon et taux d'entropie: à la croisée des probabilités, des systèmes dynamiques et de la physique statistique".
  • 17 mai : Hervé Le Bras (EHESS, Paris)
    "Quatre problèmes à la carte : peuplement multifractal, lissage elliptique, modèle de ségrégation de Schelling, modèles d'allocation des migrations et des mariages".

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mercredi 18 novembre 2009

Intellectica n° 51 : Le continu mathématique. Nouvelles conceptions, nouveaux enjeux.

Intellectica 2009/1, n° 51
Revue de l'Association pour la Recherche Cognitive

Sommaire

Michel De Glas : Introduction [texte en PDF]

Pierre Cassou-Noguès : Le continu et les intuitions mathématiques. Problèmes liés à l’intuition mathématique dans la pensée de Gödel [résumé]

Jean-Michel Salanskis : Le continu dans la philosophie cognitive [résumé]

Jean Petitot : Une vision transcendentale du continu : le platonisme conditionnel de Woodin [résumé]

Dirk Van Dalen : La fluidité du continu [résumé]

John L. Bell : Le continu cohésif [résumé]

Solomon Feferman : Conceptions du continu [résumé]

Michel De Glas : Sortir de l’enfer cantorien [résumé]

Alain Comtet : Champs et particules : deux figures ?du continu et du discret dans les théories physiques [résumé]

Marc Lachièze-Rey : La physique continue [résumé]

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Blandine Bril, Rémi Goasdoué : Du mouvement sans sens ou du sens sans mouvement : rôle des finalités et des contextes dans l'étude de comportements moteurs [résumé]

Numéro simple : 25 € Commander
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vendredi 6 novembre 2009

La révolution copernicienne du structuralisme

Le philosophe Christian Delacampagne, ancien collaborateur du Monde, est mort le 20 mai 2007. Il analysait dans ce texte la méthode de Claude Lévi-Strauss et son apport au structuralisme.

En tant que méthode d'analyse des rapports de parenté, puis des mythes, le structuralisme a été suggéré à Claude Lévi-Strauss par l'exemple de la linguistique saussurienne, à laquelle le linguiste russe Roman Jakobson (qui lui fut présenté par Alexandre Koyré) l'initia à New York, à l'Ecole libre des hautes études, où tous trois avaient trouvé refuge, en 1942.

La linguistique structurale, qui a alors trente années d'expérience derrière elle, lui fournit ce modèle. S'inspirer d'une analyse de la langue qui revient à décomposer celle-ci selon une double articulation - d'abord en monèmes (unités significatives), puis en phonèmes (unités phoniques) - pour montrer que les complexes relations familiales caractéristiques des sociétés sans écriture obéissent, elles aussi, à une logique rigoureuse, et forment de véritables "systèmes" : tel est, dès lors, le projet de Lévi-Strauss. Projet dont Les Structures élémentaires de la parenté - ouvrage publié en 1949 - représente le premier aboutissement.

Une fois revenu en France, Lévi-Strauss entreprend d'appliquer l'instrument structural au déchiffrement des mythes, des rituels et des comportements magico-religieux. Trois livres témoignent de cette extension de la méthode à des objets nouveaux : Anthropologie structurale (1958), Le Totémisme aujourd'hui, et La Pensée sauvage (1962). Ce dernier travail, dirigé contre la conception sartrienne de l'histoire et de la dialectique, est ainsi destiné à enterrer définitivement la notion de "mentalité prélogique" développée par le sociologue et anthropologue Lucien Lévy-Bruhl. Non seulement les peuples sans écriture "pensent" autant que nous, mais leurs modes de pensée révèlent, grâce à l'analyse structurale, des formes d'organisation logique aussi élaborées que les nôtres. Il ne reste plus, pour prouver la validité d'une telle approche, qu'à la mettre à l'épreuve d'un domaine particulièrement riche et confus : celui des mythologies amérindiennes.

Les quatre volumes des Mythologiques (1964-1971), ambitieux monument attestant que l'ensemble des mythes des Indiens d'Amérique constitue un corpus unifié à l'intérieur duquel les variantes elles-mêmes obéissent à des règles, témoignent de la puissance de l'entreprise lévi-straussienne. Ils en montrent, en même temps, les limites. Tous les ethnologues, en effet, sont loin d'être d'accord avec l'interprétation structurale des mythes (jugée trop formelle) ainsi qu'avec la vision (trop apolitique) des sociétés "primitives" que cette interprétation suppose. Certains réprouvent la manière dont Lévi-Strauss, pour mieux fonder "sa" science des mythes, extrait ceux-ci du contexte social dans lequel ils circulent, et les réduit à de pures suites d'unités sémantiques - combinables selon des règles qui, en fin de compte, doivent moins à l'histoire qu'à l'algèbre.

Cet intérêt exclusif porté aux structures des systèmes symboliques (comme si les systèmes en question pouvaient être isolés de leur environnement concret) devient vite le trait majeur du "structuralisme". Du coup, de méthode applicable dans un champ d'objets déterminés (ethnologie ou linguistique), ce dernier se transforme en théorie explicative, quels qu'ils soient. Simultanément, Lévi-Strauss se voit promu au rang de chef de file d'un important mouvement. Innombrables sont, alors, les chercheurs qui suivent son exemple - du moins en France, car les pays anglo-saxons, marqués par leur tradition empiriste, témoignent d'une plus grande méfiance à l'égard du "formalisme" lévi-straussien.

Christian Delacampagne

Article paru dans l'édition du journal Le Monde du 04.11.09.
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dimanche 18 octobre 2009

Benoît Mandelbrot : "Il était inévitable que des choses très graves se produisent"

Dès 1964, Benoît Mandelbrot, l'inventeur de la théorie mathématique des fractales, avait perçu que les modèles mathématiques utilisés par les financiers étaient erronés, et avait tenté d'alerter sur leurs dangers. Son denier livre, Une approche fractale des marchés (Odile Jacob, 2004), paru quatre ans avant la crise financière, était prémonitoire. Mais il ne fut guère écouté.

Benoît Mandelbrot n'est pas certain qu'il le soit davantage aujourd'hui, nous a-t-il confié, lors de son passage à Paris, le 11 octobre, à l'occasion de la projection à Paris du film Fractales, à la recherche de la dimension cachée, dans le cadre du festival international du film scientifique Pariscience.

Dans votre livre, vous dites que "la finance doit abandonner ses mauvaises habitudes et adopter une démarche scientifique". Or il a été dit que la crise était en partie due aux mathématiques financières, avec lesquelles on avait conçu des produits trop sophistiqués dont personne ne mesurait les risques. Qu'en pensez-vous ?

Les gens ont pris une théorie inapplicable - celle de Merton, Black et Scholes, issue des travaux de Bachelier qui datent de 1900 -, et qui n'avait aucun sens. Je l'ai proclamé depuis 1960. Cette théorie ne prend pas en compte les changements de prix instantanés qui sont pourtant la règle en économie. Elle met des informations essentielles sous le tapis. Ce qui fausse gravement les moyennes. Cette théorie affirme donc qu'elle ne fait prendre que des risques infimes, ce qui est faux. Il était inévitable que des choses très graves se produisent. Les catastrophes financières sont souvent dues à des phénomènes très visibles, mais que les experts n'ont pas voulu voir. Sous le tapis, on met l'explosif !

Avez-vous l'impression maintenant que les risques sont mieux pris en compte ?

Il y a quelques jours, j'ai déjeuné avec des dirigeants d'une grande banque américaine. Ils me disent qu'ils sont contents de leurs modèles. Ils ne veulent pas reconnaître qu'ils se sont trompés. J'espère que ce qu'ils me disent n'est pas la réalité. Personne ne les oblige à dire ce qu'ils font réellement. Les financiers sont très attachés à cette théorie d'une simplicité merveilleuse, que l'on peut apprendre en quelques semaines, puis en vivre toute sa vie. Cette théorie a toujours été complètement fausse. Depuis quelques années néanmoins, on m'écoute de plus en plus. Beaucoup de grands banquiers, en privé, me disent que j'ai parfaitement raison, mais ils estiment que ce n'est pas dans leur rôle de prendre parti.

En 2004, quelques années après l'éclatement de la bulle Internet, vous demandiez qu'une petite fraction des budgets de recherche et développement des grandes institutions financières de Wall Street soit consacrée à la recherche fondamentale. Avez-vous été entendu ?

Aujourd'hui, la plupart de ces compagnies ont renvoyé leurs chercheurs. Alors la question est de savoir à quelle théorie ils se fient ? A celle du doigt mouillé ? Je ne sais pas.

Mais vos élèves sont-ils maintenant davantage prisés ?

Plusieurs de mes élèves, parmi les premiers, ont changé d'avis après leur thèse. Ils ont fait de très belles carrières, en niant ce qu'ils avaient affirmé dans leur thèse. Donc, je n'ai pas beaucoup de disciples. Beaucoup de jeunes étaient intéressés, mais ils trouvaient cela dangereux.

Parce que vous n'étiez pas reconnu par l'establishment ?

C'est cela.

Aux Etats-Unis. Mais est-ce aussi le cas en Europe, en Asie ?

C'est très difficile de le savoir. En un sens, le monde est très unifié ; en un sens, il ne l'est pas. Je sais que mon livre s'est très bien vendu au Japon. Au point qu'ils ont ressorti mes livres antérieurs. La France est moins active à cet égard. L'école de mathématique financière n'a pas changé. Elle est le fait de gens très estimables, de très bons mathématiciens, mais ils sont satisfaits de leur manière de faire et je ne suis pas écouté. En Allemagne, la chancelière (Angela Merkel) avait, paraît-il, mon livre sur sa table de chevet ! Un grand quotidien m'a fait très bien connaître dans ce pays !

Quel est le sujet du livre sur lequel vous travaillez actuellement ?

On m'a demandé d'écrire mon autobiographie. L'influence extraordinaire de mon année de naissance, 1924, qui a fait que j'étais adolescent pendant la guerre, dans des conditions rocambolesques, et que j'ai survécu. Cela m'a rendu extrêmement indépendant. Je n'appartiens à aucune école. J'en ai créé une. Mais elle est indépendante des puissances et des intérêts.

Propos recueillis par Annie Kahn

Article paru dans l'édition du journal Le Monde du 17.10.09.
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mercredi 16 septembre 2009

Alan Turing ou la difficile réhabilitation de la mémoire d'un pionnier de l'informatique

"Nous soussignés demandons au premier ministre de s'excuser pour les poursuites engagées contre Alan Turing qui ont abouti à sa mort prématurée." Cette courte pétition, qui a récolté plus de dix mille signatures, a été soumise au premier ministre britannique. Au Royaume-Uni, tout citoyen peut lancer une pétition qui, si elle rassemble cinq cents signatures en un an, contraint le gouvernement à y apporter une réponse écrite et détaillée.

Alan Turing, né en 1912, est l'un des plus grands mathématiciens britanniques. Pionnier de l'informatique, il est notamment connu pour avoir contribué à décrypter les communications codées utilisées par l'armée allemande durant la seconde guerre mondiale, ainsi que pour ses travaux sur les premiers ordinateurs et sur l'intelligence artificielle. Mais après-guerre, le brillant scientifique perd tout, ou presque : la révélation de son homosexualité – qui constituait à l'époque un délit en Grande-Bretagne – ruine sa carrière. Il est condamné en 1952 à la castration chimique et est banni du complexe militaire où il travaillait. Il continue à travailler sur des modèles mathématiques, mais deux ans plus tard, il se suicide en mangeant une pomme empoisonnée.

Réhabilitation Posthume

Depuis, le scientifique a été réhabilité. Depuis 1966 – un an avant la légalisation totale de l'homosexualité au Royaume-Uni – un "prix Turing", souvent appelé "Nobel de l'informatique", est attribué par l'Association for Computing Machinery. Une statue du mathématicien a été érigée en 2001 à Manchester. Mais pour John Graham-Cumming, l'informaticien britannique qui a lancé la pétition, c'est insuffisant. "Le sort qui a été réservé à Alan Turing est affligeant. Nous avons perdu un grand homme, mort à 41 ans alors qu'il avait probablement beaucoup de grandes choses à accomplir (...). S'il n'était pas mort si jeune, il aurait probablement été fait chevalier", écrit-il sur son blog.

La pétition, qui avait commencé modestement, a reçu le soutien de plusieurs scientifiques, dont le généticien Richard Dawkins, mais aussi de l'auteur Ian McEwan et de plusieurs militants des droits des homosexuels. Pourtant, même John Graham-Cumming est peu optimiste sur les chances d'obtenir des excuses officielles. Il espère que cette campagne permettra au moins de mieux faire connaître l'œuvre de Turing, et d'attirer l'attention des britanniques sur la situation de Bletchley Park, l'ancien complexe secret où travaillait le mathématicien durant la guerre, devenu un musée de l'informatique et aujourd'hui en grande difficulté financière.

L'Héritage De Bletchley Park

Au cœur de la guerre, plus de neuf mille personnes travaillaient à Bletchley Park, dans le plus grand secret. C'est là que les codes secrets utilisés par les marines de guerre allemandes et japonaises furent décryptés, dont le célèbre code "Enigma", que la marine allemande pensait inviolable, contribuant largement à la victoire des alliés. Après-guerre, le site est reconverti en centre de formation : jusqu'en 1970, les anciens employés ne sont même pas autorisés à parler de leurs anciennes fonctions. En 1991, alors que le site menace d'être détruit pour laisser place à des habitations, une association d'anciens employés et de passionnés se monte pour tenter de sauver ce qui peut l'être et d'y créer un musée de l'informatique, qui ouvrira ses portes trois ans plus tard.

Depuis, l'association fonctionne avec très peu de moyens ; English Heritage, l'équivalent britannique des monuments historiques français, a accordé ces dernières années deux subventions exceptionnelles d'un million de livres au total pour des travaux urgents de réparation. Mais l'association estime qu'il lui faudrait 250 000 livres par an pendant trois à cinq ans pour atteindre l'autosuffisance économique et assurer la pérennité du site. Une autre pétition au premier ministre lancée en ce sens avait rassemblé vingt et un mille signatures l'an dernier mais le gouvernement, tout en reconnaissant l'importance historique de Bletchley Park, avait estimé qu'il n'avait pas les moyens de le soutenir davantage.

Damien Leloup

Article paru dans l'édition du journal Le Monde du 31.08.09.
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mardi 15 septembre 2009

Gordon Brown présente des excuses posthumes au mathématicien Alan Turing

Dans une tribune au Daily Telegraph, le premier ministre britannique Gordon Brown a présenté ses excuses, au nom du gouvernement britannique, pour le traitement "déplorable" réservé au mathématicien Alan Turing dans les années 1950. Turing, l'un des plus brillants scientifiques de l'époque, avait largement contribué au décryptage des codes secrets utilisés par l'armée allemande durant la seconde guerre mondiale. Mais après guerre, la révélation de son homosexualité – qui constituait un délit à l'époque – avait ruiné sa carrière ; après une condamnation en justice pour "indécence", il s'était vu refuser toute participation aux grands projets scientifiques de l'époque. Alan Turing s'est suicidé en 1954, en partie, estiment ses défenseurs, parce qu'il avait été condamné à la castration chimique.

"Bien que Turing ait été traité selon la loi de l'époque et que nous ne puissions pas remonter le temps, ce qu'on lui a fait était bien entendu totalement injuste", écrit Gordon Brown. "Il n'est pas exagéré de dire que, sans sa contribution hors du commun, l'histoire de la seconde guerre mondiale aurait pu être très différente", poursuit-il. Depuis plusieurs mois, une pétition au premier ministre demandait des excuses du gouvernement. Elle a été signée par plus de 30 000 personnes et soutenue par plusieurs personnalités du monde de la culture, des sciences et des militants des droits des homosexuels.

Peter Tatchell, militant du groupe Outrage!, qui lutte contre les discriminations faites aux homosexuels, a salué le geste de Gordon Brown, mais estimé qu'il ne s'agissait que d'un premier pas. "Traiter Turing comme un cas particulier, simplement parce qu'il est célèbre, est injuste", estime-t-il. Environ 100 000 Britanniques ont été condamnés à la castration chimique, estime son association, jusqu'au vote du Sexual Offences Act, en 1967, qui légalisait les rapports sexuels entre hommes. L'homosexualité féminine n'était, quant à elle, pas punie par la loi.

Dépêche AFP paru dans l'édition du journal Le Monde du 14.09.09.
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vendredi 4 septembre 2009

Questions ouvertes à Michel Bitbol

J’ai eu le plaisir d’interviewer en séance publique le physicien et philosophe M. Bitbol, sur l’apport des interprétations de la Mécanique Quantique à l'étude de la cognition, lors de l’école d’été Énaction et Sciences Cognitives (Cap-Hornu, 20-26 juillet 2009).

Suite à une présentation succincte des fondements de la Mécanique Quantique, visant l’accessibilité des concepts principaux au plus grand nombre, nous avons abordé sous forme d’un dialogue les dimensions épistémologiques et gnoséologiques des théories quantiques de l’information.

Ce dialogue, centré autour des notions de corrélation, d'information et de boucle, avait pour but d’expliquer comment celles-ci s'inscrivent dans un programme d'étude de la cognition, notamment celui de l'énaction, en apportant des éléments de réponse quant à la modélisation de processus émergents, inaccessibles dans le cadre causaliste standard.

Au cours de celui-ci nous aurons abordé :

1. Les notions fondamentales de Mécanique Quantique ;
2. L’enjeu épistémologique de la Mécanique Quantique ;
3. Information (corrélation) et cognition.


Diaporama de l'intervention au format pdf.

Références utilisées :

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dimanche 21 juin 2009

Le secret était presque parfait : la cryptographie quantique n’est pas invulnérable

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Considérée comme le “Saint Graal” de la sécurité informatique, à même de révolutionner la manière dont on peu, ou pas, garantir le secret des télécommunications, la cryptographie quantique est à double facette. Du côté de la cryptanalyse (l’art de casser les codes secrets), elle devrait permettre de casser les systèmes de chiffrement utilisés aujourd’hui, et réputés inviolables. Pour ce qui est de la cryptographie (l’art de chiffrer les messages), elle devrait permettre à deux interlocuteurs de communiquer en toute sécurité, mais aussi de pouvoir démasquer toute tentative d’espionnage.

Expérimentée depuis des années dans des laboratoires de R&D, et commercialisée depuis peu, le New Scientist rapporte que des chercheurs ont démontré que la cryptographie quantique n’était pas exempte de vulnérabilités, pire, qu’on pouvait la casser.

En informatique quantique, il suffit en effet de consulter une donnée pour que celle-ci s’en trouve modifiée, ce qui permet de savoir si un message a, ou non, été espionné.

Or, l’an passé, Vadim Makarov, du Quantum Hacking group de l’université des sciences et technologies de Norvège, a démontré qu’il était possible d’intercepter, sans laisser de traces, les messages échangés par deux des trois systèmes quantiques généralement utilisés.

Plutôt que d’espionner le canal de communication -ce qui aurait laissé des traces-, Makarov et deux autres chercheurs se sont attaqués à la machine même, qu’ils sont parvenus à “aveugler” (si l’on peut dire) au moyen de flashs laser.

Hoi-Kwong Lo, professeur d’informatique quantique à l’université de Toronto, a lui aussi identifié des imperfections dans le système (presque) parfait commercialisé par ID Quantique, le leader mondial de la cryptographie quantique qui avait été fortement médiatisé lorsqu’il avait, l’an passé, été utilisé pour sécuriser une expérimentation de vote électronique en Suisse.

Hoi-Kwong Lo est en effet parvenu à exploiter des failles dans le procédé de sorte de pouvoir espionner 4% environ des communications “sécurisées“.

La faille a depuis été corrigée, mais selon Vadim Makarov, l’émergence des ordinateurs quantiques augmentera la charge de travail des professionnels de la sécurité informatique : “Hackers et chercheurs ont le devoir de scruter autant que possible les implémentations commerciales de la cryptographie quantique. Toute implémentation d’un dispositif de sécurité, classique ou quantique, peut contenir une faille non-identifiée”.

Le propos tient du bon sens, encore fallait-il le rappeler, et le démontrer. Or, jusqu’à présent, la crypto quantique nous était présentée comme un horizon de sécurité indépassable. Certes, l’informatique quantique représente un réel changement de paradigme. Mais tant que ce seront des êtres humains qui concevront les dispositifs, fabriqueront les machines et les utiliseront, il y aura toujours des erreurs d’implémentation, ou d’utilisation.

C’est bien connu : l’erreur est humaine, et d’un point de vue informatique, souvent située entre la chaise et le clavier. La ritournelle bien connue de l’escalade sécuritaire n’est pas prête de s’arrêter, comme le résume Hoi-Kwong Lo : “nous aurons tout autant besoin de hackers quantiques que de cryptographes quantiques“.

Jean-Marc Manach

Article paru dans l'édition du journal Le Monde du 19.06.09.
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dimanche 14 juin 2009

Changer le rapport de l'homme à la nature n'est qu'un début

par Edgar Morin

Le succès Vert, en France, aux élections européennes ne doit être ni surestimé ni sous-estimé. Il ne doit pas être surestimé, car il résulte en partie de la carence du Parti socialiste, de la faible crédibilité du MoDem et des petites formations de gauche. Il ne doit pas être sous-estimé, car il témoigne aussi du progrès politique de la conscience écologique dans notre pays.

Mais ce qui demeure insuffisant, c'est la conscience de la relation entre politique et écologie. Certes, très justement, Daniel Cohn-Bendit parle au nom d'une écologie politique. Mais il ne suffit pas d'introduire la politique dans l'écologie ; il faut aussi introduire l'écologie dans la politique. En effet, les problèmes de la justice, de l'Etat, de l'égalité, des relations sociales, échappent à l'écologie. Une politique qui n'engloberait pas l'écologie serait mutilée, mais une politique qui se réduirait à l'écologie serait également mutilée.

L'écologie a le mérite de nous amener à modifier notre pensée et notre action sur la nature. Certes, cette modification est loin d'être accomplie. A la vision d'un univers d'objets que l'homme est destiné à manipuler et à asservir ne s'est pas encore vraiment substituée la vision d'une nature vivante dont il faut respecter les régulations et les diversités.

A la vision d'un homme "sur-naturel" ne s'est pas encore substituée la vision de notre interdépendance complexe avec le monde vivant, dont la mort signifierait notre mort. L'écologie politique a de plus le mérite de nous amener à modifier notre pensée et notre action sur la société et sur nous-mêmes.

En effet, toute politique écologique a deux faces, l'une tournée vers la nature, l'autre vers la société. Ainsi, la politique qui vise à remplacer les énergies fossiles polluantes par des énergies propres est en même temps un aspect d'une politique de santé, d'hygiène, de qualité de la vie. La politique des économies d'énergie est en même temps un aspect d'une politique évitant les dilapidations et luttant contre les intoxications consuméristes des classes moyennes.

La politique faisant régresser l'agriculture et l'élevage industrialisés, et par là dépolluant les nappes phréatiques, détoxiquant l'alimentation animale viciée d'hormones et d'antibiotiques, l'alimentation végétale imprégnée de pesticides et d'herbicides, serait en même temps une politique d'hygiène et de santé publiques, de qualité des aliments et de qualité de la vie. La politique visant à dépolluer les villes, les enveloppant d'une ceinture de parkings, développant les transports publics électriques, piétonnisant les centres historiques, contribuerait fortement à une réhumanisation des villes, laquelle comporterait en outre la réintroduction de la mixité sociale en supprimant les ghettos sociaux, y compris les ghettos de luxe pour privilégiés.

En fait, il y a déjà dans la deuxième face de l'écologie politique une part économique et sociale (dont les grands travaux nécessaires au développement d'une économie verte, y compris la construction de parkings autour des villes). Il y a aussi quelque chose de plus profond, qui ne se trouve encore dans un aucun programme politique, c'est la nécessité positive de changer nos vies, non seulement dans le sens de la sobriété, mais surtout dans le sens de la qualité et de la poésie de la vie.

Mais cette deuxième face n'est pas encore assez développée dans l'écologie politique.

Tout d'abord, celle-ci n'a pas assimilé le second message, de fait complémentaire, formulé à la même époque que le message écologique, au début des années 1970, celui d'Ivan Illitch. Celui-ci avait formulé une critique originale de notre civilisation, montrant combien un mal-être psychique accompagnait les progrès du bien-être matériel, comment l'hyperspécialisation dans l'éducation ou la médecine produisait de nouveaux aveuglements, combien il était nécessaire de régénérer les relations humaines dans ce qu'il appelait la convivialité. Alors que le message écologique pénétrait lentement la conscience politique, le message illitchien restait confiné.

C'est que les dégradations du monde extérieur devenaient de plus en plus visibles, alors que les dégradations psychiques semblaient relever de la vie privée et demeuraient invisibles à la conscience politique. Le mal-être psychique relevait et relève encore des médecines, somnifères, antidépresseurs, psychothérapies, psychanalyses, gourous, mais n'est pas perçu comme un effet de civilisation.

Le calcul appliqué à tous les aspects de la vie humaine occulte ce qui ne peut être calculé, c'est-à-dire la souffrance, le bonheur, la joie, l'amour, bref, ce qui est important dans nos vies et qui semble extra-social, purement personnel. Toutes les solutions envisagées sont quantitatives : croissance économique, croissance du PIB. Quand donc la politique prendra-t-elle en considération l'immense besoin d'amour de l'espèce humaine perdue dans le cosmos ?

Une politique intégrant l'écologie dans l'ensemble du problème humain affronterait les problèmes que posent les effets négatifs, de plus en plus importants par rapport aux effets positifs, des développements de notre civilisation, dont la dégradation des solidarités, ce qui nous ferait comprendre que l'instauration de nouvelles solidarités est un aspect capital d'une politique de civilisation.

L'écologie politique ne saurait s'isoler. Elle peut et doit s'enraciner dans les principes des politiques émancipatrices qui ont animé les idéologies républicaine, socialiste puis communiste, et qui ont irrigué la conscience civique du peuple de gauche en France. Ainsi, l'écologie politique pourrait entrer dans une grande politique régénérée, et contribuer à la régénérer.

Une grande politique régénérée s'impose d'autant plus que le Parti socialiste est incapable de sortir de sa crise. Il s'enferme dans une alternative stérile entre deux remèdes antagonistes. Le premier est la "modernisation" (c'est-à-dire le ralliement aux solutions techno-libérales), alors que la modernité est en crise dans le monde. L'autre remède, le gauchissement, est incapable de formuler un modèle de société. Le gauchisme aujourd'hui souffre d'un révolutionnarisme privé de révolution. Il dénonce justement l'économie néolibérale et les déchaînements du capitalisme, mais il est incapable d'énoncer une alternative. Le terme de "parti anticapitaliste" trahit cette carence.

Si l'écologie politique porte sa vérité et ses insuffisances, les partis de gauche portent, chacun à leur façon, leurs vérités, leurs erreurs et leurs carences. Tous devraient se décomposer pour se recomposer dans une force politique régénérée qui pourrait ouvrir des voies. La voie économique serait celle d'une économie plurielle. La voie sociale serait celle de la régression des inégalités, de la débureaucratisation des organisations publiques et privées, de l'instauration des solidarités. La voie pédagogique serait celle d'une réforme cognitive, qui permettrait de relier les connaissances, plus que jamais morcelées et disjointes, afin de traiter les problèmes fondamentaux et globaux de notre temps.

La voie existentielle serait celle d'une réforme de vie, où viendrait à la conscience ce qui est obscurément ressenti par chacun, que l'amour et la compréhension sont les biens les plus précieux pour un être humain et que l'important est de vivre poétiquement, c'est-à-dire dans l'épanouissement de soi, la communion et la ferveur.

Et s'il est vrai que le cours de notre civilisation, devenue mondialisée, conduit à l'abîme et qu'il nous faut changer de voie, toutes ces voies nouvelles devraient pouvoir converger pour constituer une grande voie qui conduirait mieux qu'à une révolution, à une métamorphose. Car, quand un système n'est pas capable de traiter ses problèmes vitaux, soit il se désintègre, soit il produit un métasystême plus riche, capable de les traiter : il se métamorphose.

L'inséparabilité de l'idée du cheminement réformateur et d'une métamorphose permettrait de concilier l'aspiration réformatrice et l'aspiration révolutionnaire. Elle permettrait la résurrection de l'espérance sans laquelle aucune politique de salut n'est possible.

Nous ne sommes même pas au commencement de la régénération politique. Mais l'écologie politique pourrait amorcer et animer le commencement d'un commencement.

Edgar Morin est sociologue, auteur notamment de Pour entrer dans le XXIe siècle (Seuil, 2004).

Article paru dans l'édition du journal Le Monde du 12.06.09.
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mercredi 10 juin 2009

Nous devons repenser la notion de progrès

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par Amartya Sen

Bien avant que la crise économique ne fasse redécouvrir les vertus de la régulation aux gouvernements des grandes puissances mondiales, l'Indien Amartya Sen, Prix Nobel d'économie en 1998, faisait partie des quelques économistes à défendre le rôle de l'Etat contre la vague libérale. Ses travaux ont démontré que les famines étaient créées par l'absence de démocratie plus que par le manque de nourriture. On lui doit l'invention, avec Mahbub Ul Haq, en 1990, de l'indice de développement humain (IDH), qui intègre, en plus du niveau de revenu par habitant, les questions de santé et d'éducation.

C'est à ce titre que M. Sen, âgé de 75 ans et professeur à Harvard (Etats-Unis), a été invité par Nicolas Sarkozy à participer à la Commission sur la mesure de la performance économique et du progrès social, qui doit proposer avant fin juillet de nouveaux indicateurs économiques, sociaux et environnementaux destinés à compléter le produit intérieur brut (PIB). Des indicateurs qui ne sont que des instruments au service du débat public, pour l'économiste dont le prochain livre,
The Idea of Justice, doit être publié en France cet automne.

La crise économique est-elle l'occasion de revoir notre modèle de croissance ?

C'est certainement une opportunité de le faire, et j'espère en tout cas qu'on ne reviendra pas au "business as usual" une fois le séisme passé. La crise est le produit des mauvaises politiques économiques, particulièrement aux Etats-Unis. Les outils de régulation ont été démolis un par un par l'administration Reagan jusqu'à celle de George Bush. Or le succès de l'économie libérale a toujours dépendu, certes, du dynamisme du marché lui-même, mais aussi de mécanismes de régulation et de contrôle, pour éviter que la spéculation et la recherche de profits conduisent à prendre trop de risques.

Est-ce seulement une question de régulation, ou faut-il repenser plus largement les notions de progrès et de bonheur ?

Oui, il faut les repenser. Mais le bonheur et la régulation sont des questions liées. Penser au bonheur des gens, mais aussi à leur liberté, à leur capacité à vivre comme des êtres doués de raison, capables de prendre des décisions, cela revient à se demander comment la société doit être organisée. Si vous pensez que le marché n'a pas besoin de contrôle, que les gens feront automatiquement les bons choix, alors vous ne vous posez même pas ce genre de question. Si vous êtes préoccupés par la liberté et le bonheur, vous essayez d'organiser l'économie de telle sorte que ces choses soient possibles. Quelles régulations voulons-nous ? Jusqu'à quel point ? Voilà les questions importantes dont nous devons discuter collectivement.

Faut-il pour cela développer d'autres outils de mesure que le PIB, qui fait débat ?

C'est absolument nécessaire. Le PIB est très limité. Utilisé seul, c'est un désastre. Les indicateurs de production ou de consommation de marchandises ne disent pas grand-chose de la liberté et du bien-être, qui dépendent de l'organisation de la société, de la distribution des revenus. Cela dit, aucun chiffre simple ne peut suffire. Nous aurons besoin de plusieurs indicateurs, parmi lesquels un PIB redéfini aura son rôle à jouer.

Les indicateurs reflètent l'espérance de vie, l'éducation, la pauvreté, mais l'essentiel n'est pas de les mesurer, c'est de reconnaître que ni l'économie de marché ni la société ne sont des processus autorégulés. Nous avons besoin de l'intervention raisonnée de l'être humain. C'est ce pourquoi la démocratie est faite. Pour discuter du monde que nous voulons, y compris en termes de régulation, de système de santé, d'éducation, d'assurance chômage... Le rôle des indicateurs est d'aider à porter ces débats dans l'arène publique, ce sont des outils pour la décision démocratique.

L'indice de développement humain (IDH) peut-il être un de ces indicateurs ?

L'IDH a été au départ conçu pour les pays en développement. Il permet de comparer la Chine, l'Inde, Cuba... Il donne aussi des résultats intéressants avec les Etats-Unis, principalement parce que le pays n'a pas d'assurance santé universelle et est marqué par de fortes inégalités. Mais nous avons besoin d'autres types d'indicateurs pour l'Europe et l'Amérique du Nord, sachant que ce ne seront jamais des indicateurs parfaits.

Quand vous avez construit l'IDH, la crise environnementale n'était pas perçue dans toute sa gravité. Modifie-t-elle votre vision de la lutte contre la pauvreté ?

Le déclin de l'environnement affecte nos vies. De façon immédiate, dans notre quotidien, mais il affecte aussi les possibilités du développement à plus long terme. L'impact du changement climatique est plus fort sur les populations les plus pauvres. Prenez l'exemple de la pollution urbaine : ceux qui souffrent le plus sont ceux qui vivent dans la rue. La plupart des indicateurs de pauvreté ou de qualité de la vie sont sensibles à l'état de l'environnement. Voilà pourquoi il est important que les questions de pauvreté, d'inégalités soient prises en compte dans les négociations climatiques internationales.

Comment faire ?

Il faut que les pays les plus pauvres soient représentés dans les instances de négociation. L'élargissement du G8 à vingt pays marque un vrai progrès. Les points de vue de la Chine, de l'Inde, de l'Afrique du Sud et de quelques autres pays émergents sont maintenant pris en compte. Mais il n'est pas suffisant de donner la parole à ceux qui ont le mieux réussi. Ils ne portent pas les préoccupations des plus pauvres. L'Afrique reste trop négligée. Le rôle de l'Assemblée générale des Nations unies doit être renforcé. C'est le seul lieu où, quel que soit son poids économique, un pays peut s'exprimer à égalité avec les autres.

Vos travaux sur la résolution des famines grâce à la démocratie s'appliquent-ils à la crise alimentaire actuelle ?

La démocratie permet d'éviter les famines, car c'est un phénomène contre lequel il est assez facile de mobiliser l'opinion. A partir du moment où l'Inde a eu un gouvernement démocratique, en 1947, elle n'a plus connu de famine. En revanche, la démocratie ne suffit pas à enrayer la malnutrition, qui est un phénomène plus complexe. Il faut un engagement très fort des partis politiques et des médias pour attirer l'attention sur ces questions et créer un débat public.

Etes-vous inquiet de voir les surfaces destinées aux agrocarburants s'accroître au détriment des cultures alimentaires ?

Oui, je suis inquiet de voir combien il peut être plus rentable d'utiliser la production agricole pour fabriquer de l'éthanol que pour nourrir des gens. La crise alimentaire ne s'explique pas de façon malthusienne - ce n'est pas un problème en soi de nourrir 6 milliards ou 9 milliards de personnes. Les raisons de la pénurie sont plus complexes. Je pense notamment à la compétition entre les différents usages de la terre, mais aussi à l'évolution du régime alimentaire en Inde et en Chine, où la demande de nourriture par habitant s'accroît.

Vous dénoncez une approche coercitive des politiques démographiques. Pourquoi ?

Il y a deux façons de voir l'humanité : comme une population inerte, qui se contente de produire et de consommer pour satisfaire des besoins ; ou comme un ensemble d'individus doués de la capacité de raisonner, d'une liberté d'action, de valeurs. Les malthusiens appartiennent à la première catégorie : ils pensent par exemple que pour résoudre les problèmes de surpopulation, il suffit de limiter le nombre d'enfants par famille. Plusieurs pays ont essayé et ils n'ont pas eu beaucoup de succès.

Le cas de la Chine est plus complexe qu'il n'y paraît : on accorde selon moi trop de crédit à la politique de l'enfant unique, alors que les programmes en faveur de l'éducation des femmes, l'accès à l'emploi ont certainement fait autant pour la maîtrise de la croissance démographique. Et n'oublions pas que, pour Malthus, à la fin du XVIIIe siècle, un milliard d'humains sur Terre, c'était déjà trop !

Propos recueillis par Grégoire Allix et Laurence Caramel

Article paru dans l'édition du journal Le Monde du 08.06.09.
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dimanche 31 mai 2009

Mécanique Quantique pour tous


Michel Crozon et Yves Sacquin

Un siècle de quanta

ISBN : 2-86883-604-6
EAN : 9782868836045
Réf. : L6046
Nature/Format : Livre/150 x 215
Nombre de pages : 182 pages
Prix : 19€ (TVA = 5.5 %)
Parution : 01.01.2003


Pour décrire le rayonnement du corps noir Max Planck introduisait, à la fin de l'an 1900, une constante h qui rompait avec la description purement ondulatoire de la lumière. C'était le modeste début d'un ébranlement qui allait gagner toute la physique. Du corps noir à l'ordinateur quantique, de la particule aux origines de l'Univers, la mécanique quantique a envahi tous les champs des sciences et des techniques ; elle a aussi remis en question les concepts traditionnels de la philosophie des sciences : le temps, l'espace, la causalité.
Cent ans après ses débuts, philosophes, historiens et physiciens dressent un large tableau des bouleversements et des accomplissements qu'a apportés cette véritable révolution scientifique.

Remarque :
Je recommande chaudement aux cogniticiens de tous bords, le chapitre de M. Bitbol « Relations et corrélations en Physique Quantique », ce texte pose les bases d'une épistémologie formalisée à partir de laquelle il serait possible de construire une véritable théorie générale de la cognition.
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mardi 19 mai 2009

MajecSTIC 2009 : 7ème MAnifestation des JEunes Chercheurs en Sciences et Technologies de l'Information et de la Communication (appel)

16-18 novembre 2009 à Avignon


  • Date limite de soumission reportée au 29 mai 2009 ;
  • Les articles déjà soumis peuvent être modifiés jusqu'à cette date ;
  • (Les auteurs n'ayant pas rempli de déclaration d'intention sont également invités à soumettre leurs articles).

PRESENTATION

MajecSTIC est une série de conférences organisées par des doctorants pour les chercheurs débutants (Master 2, doctorants, post-docs, ATER, ...), dans les domaines des Sciences et Technologies de l'Information et de la Communication (STIC).

MajecSTIC vise à fournir un lieu d'échange scientifique autour de divers travaux des domaines des STIC. De plus, elle permet la rencontre de chercheurs débutants, futurs acteurs de collaborations entre laboratoires de recherche, partenaires industriels, ...

La pluridisciplinarité offre à chacun la possibilité de s'ouvrir à d'autres domaines, les soumissions exigeant une part de vulgarisation afin d'être accessibles au plus grand nombre de chercheurs en STIC.

DATES IMPORTANTES

  • Clôture des soumissions : 29 mai 2009
  • Notification aux auteurs : 08 juillet 2009
  • Réception des versions définitives : 09 septembre 2009

SOUMISSIONS

MajecSTIC 2009 accepte deux types de propositions d'articles : articles longs et articles courts. Les premiers donneront lieu à une présentation de 20 minutes suivie de questions, les seconds à la présentation d'un poster lors d'une session interactive dédiée. Les communications présentées à MajecSTIC 2009 seront disponibles sur un site Web, les actes seront édités et distribués à tous les participants.

Le public visé est un public de chercheurs débutants issus de tous les domaines des STIC. Il est donc conseillé de structurer son article en deux parties : une première partie accessible à tout titulaire d'un Master 2 en STIC doit présenter clairement la problématique, sa pertinence et l'originalité de l'approche par rapport à l'état de l'art, tandis qu'une deuxième partie peut être plus technique et s'adresser à des spécialistes du domaine.

Les articles longs ne devront pas dépasser 8 pages, tandis que les courts seront rédigés sur 4 pages. Ils devront respecter le style fourni sur le site (LaTeX - recommandé, OpenOffice.org ou Word). La langue officielle est le français, toutefois les publications en anglais sont acceptées si les chercheurs n'étaient pas originaires d'un pays francophone avant de commencer leur thèse.

Chaque proposition sera évaluée par au moins deux spécialistes du domaine considéré. Un spécialiste d'un autre domaine évaluera de plus son accessibilité.

Les soumissions se feront sur le site de la conférence :http://majecstic2009.univ-avignon.fr

DEROULEMENT DE LA CONFERENCE

La conférence se tiendra sur 3 jours dans les locaux de l'Université d'Avignon et des Pays de Vaucluse. Outre les présentations des participants et les sessions posters, des personnalités issues du monde académique et industriel animeront des conférences pleinières. De plus, un forum d'entreprises sera organisé, permettant ainsi la rencontre entre chercheurs et industriels.

Toutes les informations pratiques concernant le déroulement de la conférence seront disponibles sur le site.

CONTACT

Pour plus de renseignements, vous pouvez envoyer un mail à : contact.majecstic2009[à]univ-avignon.fr

THEMATIQUES

Les thématiques pouvant être retenues pour MajecSTIC 2009 sont toutes celles ayant trait aux Sciences et Technologies de l'Information et de la Communication. Pour information, voici une liste des thématiques possibles, non-exhaustive et ne traduisant aucune priorité entre les différents thèmes. Si vous avez un doute quant à l'adéquation entre vos travaux et les thématiques de la conférence, n'hésitez pas à nous contacter.

  • Application des STIC (Supports et circulation de la connaissance, Usage des outils technologiques et comportements sociaux, STIC dans l'Enseignement, Aide au handicap, Traitement automatique des langues, ...) ;
  • Électronique, Automatique, Robotique (Modélisation et commande des ystèmes continus discrets et hybrides, Technologies microélectroniques, Micro-technologies, ...) ;
  • Extraction et Gestion des connaissances (Entrepôt de données, Fouille de données, Indexation, Recherche d'information, Traitementdes langues naturelles, ...) ;
  • Génie logiciel (Langages de spécification et de programmation, Méthodes de validation, Sécurité logicielle, Modélisation, ...) ;
  • Gestion de données contextuelles (Bio-informatique, Système d'Information Géographique, Biométrie, Analyse spatiale, ...) ;
  • Imagerie (Architecture et Traitement des Images Spatio-temporelles, Mouvement, Vision par ordinateur, Télédétection, Imagerie médicale, Réalité virtuelle, ...) ;
  • Informatique théorique et fondamentale (Théorie de l'information, Théorie de la complexité, Théorie des langages, Traitement du signal, Logique, Théorie des graphes, Théorie des jeux, Cryptologie/graphie, ...) ;
  • Intelligence artificielle (Reconnaissance des formes, Systèmes multi-agents, ...)
  • Interfaces utilisateurs (IHM, Domotique, ...) ;
  • Recherche opérationnelle (Aide à la décision, Optimisation, Ordonnancement, Analyse multi-critères, Problèmes de transport, ...) ;
  • Réseaux (Protocoles et transmission, Gestion des ressources, Sécurité, ...) ;
  • Systèmes informatiques (Systèmes répartis, Systèmes à grande échelle et p2p, Systèmes d'information à grande échelle et technologies du web, Systèmes embarqués, Informatique ubiquitaire, Sécurite etcontrôle d'accès, ...) ;
  • Traitement du signal (Détection, Estimation, Communication numérique, Codage - Compression, ...).

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samedi 16 mai 2009

ARCo’09 - « Interprétation et problématiques du sens » (2nd appel)

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Colloque de l’Association pour la Recherche Cognitive
« Interprétation et problématiques du sens »
9-11 décembre 2009 – Université de Rouen

2e Appel à communications

Objectifs du colloque

L’Association pour la Recherche Cognitive (ARCo : http://www.arco.asso.fr/) est la société savante française de Sciences Cognitives qui a pour vocation de promouvoir la recherche interdisciplinaire sur la cognition dans des domaines qui se rattachent aux sciences humaines, aux sciences de l'ingénieur et aux sciences de la vie.

Le colloque de l’ARCo, devenu annuel depuis 2006, est l’occasion de réunir la communauté des chercheurs confirmés et des jeunes chercheurs, en sciences cognitives, dans un dialogue fécond entre les différentes approches scientifiques de la cognition. L’édition 2009 se tiendra à l’université de Rouen du 9 au 11 décembre sur le thème « Interprétation et problématiques du sens ».

Soumissions

Format de soumission : Les auteurs sont invités à soumettre des contributions sous la forme d’article de 3500 mots minimum à 4000 mots maximum destinés à des présentations orales de leurs travaux ; ou bien de résumés d’environ 1000 mots destinés à des présentations affichées de leurs travaux. Le format adopté pour les soumissions est téléchargeable sur le site : http://arco09.colloques.univ-rouen.fr/

Dates importantes
  • Date de soumission : 30 juin 2009
  • Notification aux auteurs : 15 septembre 2009
  • Réception des versions définitives : 15 octobre 2009
  • Colloque : 9 au 11 décembre 2009

Comité de programme

(CA ARCo)

Comité d’organisation

PSY.NCA (Univ. Rouen)
LITIS (Univ. Rouen, INSA Rouen, Univ. Le Havre)
LiDiFra (Univ. Rouen)

Contact : arco2009[à]univ-rouen.fr

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samedi 2 mai 2009

Le Relativisme En Question

Colloque organisé par :

Archives Husserl (ENS Ulm, CNRS)
et Execo (UFR 10, Paris1)
Samedi 13 Juin 2009, de 9h à 13h,
Salle Cavaillès, 17 rue de la Sorbonne, 75005,Paris

« oi ta aei dokounta orizomenoi to dokounti einai alethe »
(Théétète, 158 e)

Le relativisme post-moderne a souvent soutenu que la science, et l'objectivité en général, n'étaient que des « constructions sociales », ni plus ni moins valides que d'autres représentations du monde. La vérité est relative (à des groupes sociaux, à des intérêts, à des normes épistémiques, etc.), telle est sa thèse ou son slogan.

Récemment, dans le cadre des courants contextualistes en sémantique et pragmatique du langage naturel, s'est fait jour une forme nouvelle de relativisme de la vérité. L'analyse sémantique de certaines phrases, - exprimant des jugements de goûts, ou l'assurance de savoir, ou encore au sujet d'événements futurs -, devrait nous amener à conclure que la vérité de ces phrases est relative : relative à des standards de valeurs, à des standards épistémiques, ou encore aux perspectives temporelles selon lesquelles un sujet juge de la vérité de certaines prédictions. L'ouvrage 'Relative Truth', édité par Garcia-Carpintero et Max Kölbel, (Oxford U.P., 2008), témoigne par exemple éminemment de ce courant de pensée.

Organisé comme une réflexion autour de cet ouvrage, le colloque voudrait ouvrir un certain nombre de questions :

  • quelles sont les relations entre le relativisme traditionnel, le relativisme post-moderne, et ce relativisme sémantique ?
  • en quoi ce relativisme sémantique diffère du contextualisme à la mode ces derniers temps ?
  • y a-t-il un lien à faire entre l'idée de relativisation de la vérité (à certains paramètres) et l'idée de vérité relative ?
  • que faut-il penser de la thèse de MacFarlane selon laquelle l'analyse du discours temporel doit nous conduire au relativisme de la vérité ?
  • etc.
Programme :

Présidente de séance : Christiane Chauviré (Paris1 - Execo)
  • 9h - 9h45 : Jocelyn Benoist (Paris1- Execo/Archives Husserl) : Des goûts et descontextes...
  • 9h45 - 10h30 : Bruno Ambroise (UPJV - Curapp) : La dépendance contextuelle de lavérité conduit-elle au relativisme ?
  • 10h30-11h15 : Federico Boccaccini (Paris1 - Execo/Université de Pise) : Validitéet objectivité entre logique et phénoménologie
  • 11h15-11h30 : Pause
  • 11h30-12h15 : Gabriel Sandu (Paris1 - IHPST) : Contexte et compositionnalité enlogique
  • 12h15-13h : François Rivenc (Paris1 - IHPST) : Relativisme et futurs contingents

Contacts : Jocelyn.Benoist[à]univ-paris1.fr ; francois.rivenc[à]orange.fr

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vendredi 1 mai 2009

Sciences et décision, 3e congrès de la Société de Philosophie des Sciences (appel)

Le troisième congrès de la Société de Philosophie des Sciences se tiendra du jeudi 12 au samedi 14 novembre 2009, à l'Université Paris-Sorbonne (Paris IV) et à l'Ecole Normale Supérieure de Paris.

Le thème de ce Congrès est « Sciences et décision », dont une brève présentation se trouve ci-dessous. Néanmoins, ce thème n'est pas limitatif : toute proposition de contribution relevant de la philosophie des sciences (au sens large) sera examinée.

Le Congrès accueille des conférences plénières invitées, des symposiums et ateliers (3 ou 4 communications sur un thème spécifié), et des communications individuelles.

Date limite pour soumettre une contribution : 4 mai 2009.

L'appel à contributions complet, un exposé détaillé de la thématique et tous les renseignements pratiques sur ce congrès se trouvent ici :
http://www.sps.ens.fr/activites/2009-3econgres.html

Pour toute question relative au congrès, merci d'écrire à :
sps09[à]ens.fr

Pour la SPS :

  • Daniel Andler (Président du comité de programme) ;
  • et Thomas Pradeu (Président du comité d'organisation).
Quels sont les liens entre les sciences et la décision ? Tout d'abord, quels choix se présentent aux chercheurs et aux responsables des programmes scientifiques ? Sur quoi leurs décisions se fondent-elles ou devraient-elles se fonder ? En outre, comment prendre de « bonnes » décisions à l'aide de connaissances scientifiques dans des situations d'incertitude ? Quand et selon quelles modalités est-il possible de décider « scientifiquement » ? Enfin, que sont les sciences de la décision et sur quoi se fondent-elles ?

Ces questions peuvent, comme on le voit, se distribuer selon trois grands axes :

  1. Les décisions prises dans les sciences. Pensons, en particulier, aux décisions relatives à l'adoption d'une théorie scientifique plutôt qu'une autre, d'une interprétation plutôt qu'une autre comme par exemple dans la mécanique quantique, ou encore d'un programme de recherche plutôt qu'un autre.
  2. Les décisions aidées par les sciences, dans des domaines pour lesquels la décision est une composante à part entière du domaine scientifique (sciences médicales par exemple), mais aussi dans des situations où l'on fait appel à l'expertise scientifique.
  3. Les sciences de la décision.
À ces questions, la philosophie des sciences, l'épistémologie sociale, les sciences de la décision, mais également les sciences cognitives, peuvent apporter des éclairages propres. Le pilotage des institutions scientifiques est par excellence le lieu de la décision, et de l'évaluation de la décision dans la science : que savons-nous des processus dans ces institutions ? Nombre de décisions politiques, mais également individuelles, ne concernent pas la science mais sont prises par des non-scientifiques à la lumière de données scientifiques, souvent complexes, souvent très incertaines. Comment, ici encore, sont-elles prises, devraient-elles l'être ?

La décision dans la science, la décision à partir de la science, la décision étudiée par la science : ces trois domaines aboutissent à une question transversale : celle de la possibilité et de la nature de la décision scientifique.
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jeudi 30 avril 2009

Mathematics, Computing, Language, and the Life: Frontiers in Mathematical Linguistics and Language Theory (call)

A new book series is going to be announced in a few weeks by a major publisher under the (tentative) title of: Mathematics, Computing, Language, and the Life.

Series Description:

Language theory, as originated from Chomsky's seminal work in the fifties last century and in parallel to Turing-inspired automata theory, was first applied to natural language syntax within the context of the first unsuccessful attempts to achieve reliable machine translation prototypes. After this, the theory proved to be very valuable in the study of programming languages and the theory of computing.

In the last 15-20 years, language and automata theory has experienced quick theoretical developments as a consequence of the emergence of new interdisciplinary domains and also as the result of demands for application to a number of disciplines, most notably: natural language processing, computational biology, natural computing, programming, and artificial intelligence.
The series will collect recent research on either foundational or applied issues, and is addressed to graduate students as well as to post-docs and academics.

Topic Categories:

  1. Theory: language and automata theory, combinatorics on words, descriptional and computational complexity, semigroups, graphs and graph transformation, trees, computability.
  2. Natural language processing: mathematics of natural language processing, finite-state technology, languages and logics, parsing, transducers, text algorithms, web text retrieval.
  3. Artificial intelligence, cognitive science, and programming: patterns, pattern matching and pattern recognition, models of concurrent systems, Petri nets, models of pictures, fuzzy languages, grammatical inference and algorithmic learning, language-based cryptography, data and image compression, automata for system analysis and program verification.
  4. Bio-inspired computing and natural computing: cellular automata, symbolic neural networks, evolutionary algorithms, genetic algorithms, DNA computing, molecular computing, biomolecular nanotechnology, circuit theory, quantum computing, chemical and optical computing, models of artificial life.
  5. Bioinformatics: mathematical biology, string and combinatorial issues in computational biology and bioinformatics, mathematical evolutionary genomics, language processing of biological sequences, digital libraries.
The connections of this broad interdisciplinary field with other areasinclude: computational linguistics, knowledge engineering, theoretical computer science, software science, molecular biology, etc.

The first volumes will be miscellaneous and will globally define the scope of the future series.

Invitation To Contribute:

Contributions are requested for the first five volumes. In principle, there will be no limit in length. All contributions will be submitted to strict peer-review. Collections of papers are also welcome.

Potential contributors should express their interest in being considered for the volumes by April 25, 2009 to carlos.martinvide[at]gmail.com

They should specify:
  • the tentative title of the contribution,
  • the authors and affiliations,
  • a 5-10 line abstract,
  • the most appropriate topic category (1 to 5 above).
A selection will be done immediately after, with invited authors submitting their contribution for peer-review by July 25, 2009.

The volumes are expected to appear in the first months of 2010.
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mercredi 15 avril 2009

VIIIe Colloque des Jeunes Chercheurs en Sciences Cognitives

Toulouse
9-11 juin 2009


Le colloque se renouvelle

Un nouvel axe thématique permettant aux étudiants de tous les champs en sciences cognitives de présenter leurs travaux de recherche a été ajouté.

Ainsi, le colloque s'organisera en deux temps :
  1. dans un premier temps, la thématique principale du colloque sera développée à travers la mise en place de l'atelier Pirstec ainsi qu'à travers les communications qui s'y rapportent ;
  2. dans un deuxième temps, le nouvel axe ouvre le débat à d'autres perspectives et met en avant toutes les présentations s'intéressant au développement des sciences cognitives quel qu'en soit le domaine (IA, philosophie, linguistique, anthropologie, neuropsychologie,...).

Attention, la date limite pour les soumissions est fixée au 15 avril.

Le CJCSC :

Le Colloque des Jeunes Chercheurs en Sciences Cognitives (CJCSC) est organisé tous les deux ans en France depuis une dizaine d'années. Ce colloque constitue un important lieu d'échanges scientifiques pour les étudiants et jeunes chercheurs dans le champ des sciences de la cognition. L'objectif du CJCSC est de promouvoir les Sciences Cognitives, d'animer cette communauté scientifique, de favoriser les rencontres entre jeunes chercheurs et d'encourager le dialogue interdisciplinaire au sein de ce domaine. Après avoir été organisé à Bordeaux en 2005, puis à Lyon en 2007, le 8ème colloque se déroulera en 2009 à Toulouse.

AXE 1 :

L'approche traditionnelle de la cognition est fortement ancrée dans la métaphore informatique. De nombreux travaux cherchent à en démontrer les limites en mettant en avant le rôle de l'action et des interactions dynamiques qu'elle implique. De nouvelles approches, appelées cognition "incarnée", "située" ou "étendue" affirment des liens indissociables entre un organisme et son environnement dans la construction de sa perception et de son rapport au monde. Quelle est l'influence de ces nouveaux paradigmes dans les travaux de recherche actuels ?

AXE 2 :

L'axe 2 est ouvert à tout autre type de travaux en sciences cognitives.
Les présentations, communications orales et posters, viseront ainsi à développer la réflexion des participants sur le cadre théorique dans lequel leurs travaux s'inscrivent. Elles pourront concerner des recherches de nature théorique ou expérimentale. Soumissions : Les participants sont invités à soumettre un abstract d'environ une page (250 à 500 mots).

Dates importantes :

  • 15 avril : Limite soumission des contributions ;
  • 30 avril : Annonce des présentations retenues ;
  • 15 mai : Fin des pré-inscriptions ;
  • 05 juin : Fin des inscriptions ;
  • 9-10-11 juin : Colloque.

Liste actuelle des conférenciers invités :

  • Rachid Alami - (DR CNRS, LAAS)
  • Moustapha Bensafi - (CR CNRS, Université Lyon 1)
  • Pierre Etevenon - (DR honoraire INSERM)
  • Olivier Gapenne - (MCU, Université de Technologie de Compiègne)
  • Geert-Jan M. Kruijff - (Senior Researcher, DFKI Language Technology Lab)
  • Frederic Valle Tourangeau - (Reader, Kingston University London)

Informations, inscriptions, soumissions : http://fresco.risc.cnrs.fr/cjcsc2009/

Contact : cjcsc2009 [ à ] gmail.com

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mardi 7 avril 2009

Le Constructivisme (génétique) : une définition.

Le programe du Constructivisme Génétique puise sa source dans la Psychologie du même nom, développée par Jean Piaget (1896-1980). Piaget part de l'étude du développement cognitif de l'enfant, pour aboutir à une théorie du processus de construction des connaissances. Il s'intéresse à l'analyse des différents niveaux de la logique des classes et des relations chez l'enfant (i.e. genèse des structures logiques fondamentales : inclusion et multiplication des classes, composition des relations, structures d'ordre, etc. ; élaboration des catégories de pensée : nombre, espace, temps, etc.). Il étudie la mise en place logique des opérations intellectuelles, attendant de la psychogenèse qu'elle lui fournisse, expérimentalement, une embryologie de la raison.

De ses travaux empiriques, il déduit une conception de la connaissance basée sur l'interaction sujet/objet (l'enfant/le monde), et cherche à expliciter au travers de l'ontogenèse des conduites, les formes successives de leur élaboration : « on ne connaît un objet qu’en agissant sur lui et en le transformant » (Piaget, 1970). Se donnant ainsi une théorie scientifique de l'instrument même de connaissance, Piaget (1967) développe un constructivisme dont il trouve les prémisses chez des penseurs tels que Hegel, Poincaré ou encore Brouwer, l'élaborant au cours de ses échanges avec le mathématicien Jean Dieudonné. Cette recherche lui permet de montrer incidemment les limites, les excès et les discordances entre les fondements d'une Science Positive et les pratiques disciplinaires par lesquelles elle s'exerce.

Pour le Positivisme, qu’il soit comtien ou du cercle de Vienne, le raisonnement analytique est in fine seul propre à la démarche scientifique. Piaget se porte en faux face à cette assertion. Il tente de dépasser, par son pragmatisme logique, un tel cadre limitatif en revalorisant le raisonnement dialectique (inscrit dans le moment de la synthèse). Il propose de substituer une démarche processuelle, au sein de laquelle l'interaction du sujet connaissant et de l'objet observé est privilégiée (détachement des fondements, focalisation sur le processus : la relation). La connaissance se pose alors beaucoup plus comme un processus, ou au sens de Simon (1991), une reconstruction continue, que comme la découverte de savoirs stables et immuables.

L’auteur ne cherche pas ainsi à opposer deux modes de raisonnement mais plutôt à désigner deux aspects distincts - mais indissociables - de la construction des connaissances, avec l'action pour source, le relativisme génétique comme posture et, surtout, la dialectique de l'assimilation et de l'accommodation comme processus d'équilibration assurant à la fois le progrès et la stabilité des connaissances.

Mais même si Piaget a bien conscience d'un aspect discontinu de la formation des stades génétiques, ainsi que de l'évolution des connaissances par phases successives d'équilibration, il reste tributaire d'une approche linéaire affirmant que le développement est une construction linéaire hiérarchique, intangible, majorante et épurée.

La théorie génétique trouve un ancrage profond dans le développement biologique, mais en faisant une analogie entre les structures mères de l’algèbre des nombres entiers (domaine régit par le tiers exclu) et les structures mentales de la pensée - proposant ainsi une comparaison possible entre la filiation mathématique des structures mères et la filiation génétique des structures mentales -, l’épistémologie génétique "réduit" son objet d’étude au développement d'une connaissance orientée, c.-à-d. à prétention d’objectivité marquée par le primat de l'assimilation. Une connaissance qui, même si l'objectivité y-est entendue en tant qu'intersubjectivité, reste dans sa source profonde, en les termes de Morin (1990), "câblée à l’univers" : reliée à un paradigme insurmontable.

Au final, le sujet piagétien est un sujet épistémique, c.-à-d. lié à un temps, un espace et une dynamique (i.e. une époque, un lieu et une histoire), il est inscrit dans l'action, mais sa dimension sociologique étant reléguée en une seconde période, son modèle reste universel et omnipotent. Enfin, les émotions demeurent absentes du discours.


Extrait de Penelaud (2008, pp. 113-114).
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Voir aussi :
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mardi 31 mars 2009

Au-delà de la récession, nous sommes face à une crise de civilisation


par Luiz Inácio Lula da Silva


Contrairement aux crises de ces quinze dernières années - en Asie, au Mexique ou en Russie -, l'actuelle tempête qui s'est abattue sur la planète trouve son origine au centre de l'économie mondiale, aux États-Unis. Après avoir atteint l'Europe et le Japon, la crise menace les pays émergents qui bénéficiaient d'une extraordinaire croissance et d'un sain équilibre macroéconomique.

En Amérique du Sud, les dix dernières années ont été marquées par un fort processus de croissance, accompagné d'une sensible amélioration sociale, d'une stabilité macroéconomique et d'une réduction de la vulnérabilité externe. Ce processus a eu lieu dans un contexte d'expansion et de renforcement de la démocratie.

Les dérives d'un capital financier détaché de la production, additionnées à l'irresponsable déréglementation des marchés, ont conduit le monde dans une impasse dont même les responsables sont incapables d'évaluer l'ampleur. La crise a mis au jour les profondes erreurs de politiques économiques présentées comme infaillibles et la fragilité des organismes multilatéraux de Bretton Woods. Elle a montré l'obsolescence des instruments de gouvernance mondiale.

La transformation du G20, jusque-là organisme technique, en instance de chefs de gouvernement des principales économies du monde est positive. Il est cependant important qu'il puisse apporter des solutions capables de contrer les effets dévastateurs de la crise et de conduire vers une profonde reformulation de l'économie internationale à moyen et long termes. La réunion du G20 à Londres ne peut décevoir les attentes. Il est nécessaire de trouver des réponses qui créent les conditions de la relance économique.

Parmi les problèmes les plus urgents, le rétablissement du crédit et la lutte contre le protectionnisme me semblent des thèmes centraux. La chute du commerce mondial et des investissements est liée à l'insuffisance de liquidités dans le monde. Elle pénalise les pays émergents. Il revient donc au FMI d'irriguer l'économie internationale, principalement des pays émergents, afin d'inverser, avant qu'il ne soit trop tard, l'actuelle tendance récessive.

Je sais qu'il ne sera pas facile de conclure le cycle de Doha (négociations au sein de l'OMC sur une nouvelle phase de libéralisation des échanges), qui était sur le point de l'être l'an dernier. En temps de crise, le protectionnisme, que je qualifie de drogue, augmente. Il entraîne en effet une euphorie provisoire mais, à moyen et long termes, finit par engendrer une profonde dépression, avec de funestes conséquences sociales et politiques, comme le montre l'histoire du XXe siècle.

Démocratiser le FMI

Nous devons démocratiser le FMI et la Banque mondiale. Ces institutions, jadis enclines à donner des leçons aux pays pauvres et en développement, ont été incapables de prévoir et de contrôler le désordre financier qui s'annonçait.

Un autre sujet d'importance est celui de la fin des paradis fiscaux, cette efficace base arrière du trafic de drogue, de la corruption, du crime organisé ou du terrorisme. Depuis l'intensification des effets de la crise, j'ai maintenu des contacts avec les dirigeants du monde entier à la recherche d'alternatives. J'espère qu'il en résultera, lors de la réunion du G20 à Londres, un ensemble de propositions capables d'apporter une réponse substantielle à la crise.

Ces dernières années, le Brésil a réalisé un immense effort de reconstruction économique. Nous avons adopté des politiques anticycliques qui nous ont rendus moins vulnérables à la crise. Nos programmes de répartition des revenus, qui profitent à plus de 40 millions de personnes, s'articulent avec une politique de réforme agraire, salariale et du crédit qui favorise les plus pauvres et a permis un élargissement considérable du marché intérieur. Le plan d'accélération de la croissance investira, d'ici à 2010, 270 milliards de dollars dans l'économie, révolutionnant l'infrastructure physique, énergétique et sociale du pays.

Nos réserves de change, supérieures à 200 milliards de dollars, ont également contribué à la bonne santé de l'économie brésilienne. Nous sommes internationalement créditeurs nets. Notre dette publique représente 36 % du PIB. Notre système bancaire est solide. Les banques d'Etat, responsables de 40 % du crédit, assurent à l'Etat les conditions de régulation de l'économie et de promotion du développement. Je ne me lasse pas de répéter que l'heure de la politique et du rétablissement du rôle de l'Etat est arrivée. Les dirigeants doivent assumer les responsabilités que la société leur a confiées.

Il est important de sauver les banques ou les assureurs pour protéger les dépôts et la protection sociale. Mais il est plus important encore de protéger les emplois et d'encourager la production.

Plus qu'une grave crise économique, nous sommes face à une crise de civilisation. Elle exige de nouveaux paradigmes, de nouveaux modèles de consommation et de nouvelles formes d'organisation de la production. Nous avons besoin d'une société dans laquelle les hommes et les femmes soient acteurs de leur histoire et non victimes de l'irrationalité qui a régné ces dernières années.

Luiz Inácio Lula da Silva, président de la République fédérative du Brésil.

Article paru dans l'édition du journal Le Monde du 31.03.09.

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